il faut doucement aborder le sujet tabou...

17:43 Vanessa 0 Comments

C’était la nuit du 21 juillet 2011, mon portable a sonné plusieurs fois…j’ai regardé l’heure…il me semble que c’était vers 1h du matin.
…ma marraine m’appelait de bourgogne…je ne voulais pas décrocher…je sentais.

« Ta mère a fait un arrêt respiratoire, les pompiers ont réussi à la réanimer mais je n’ai pas encore appelé l’hôpital. Je pouvais pas conduire Vanessa… »

le silence

« Je vais les appeler… »

J’ai raccroché, au milieu de la cuisine, dans le noir total. J’ai composé le numéro comme un automate. Je me présente, explique que ma mère a été
admise, je voudrais des nouvelles.
La personne cherche, de nouveau le silence, puis on me transfert. C’est l’infirmière qui s’occupe d’elle, elle n’essaie pas de minimiser son état.

« Si je peux vous demander quelque chose mademoiselle, venez rapidement, très rapidement. Elle est stabilisée mais il vaudrait mieux faire vite, vous comprenez? »

Je ne sais plus si je lui ai dit oui ou non, si j’ai raccroché directement…

Le matin même,je prenais mon billet.

Entre le moment où je suis partie et celui où je suis arrivée à l’hôpital, c’est le trou noir, je ne me souviens de rien. Ma tante, ma marraine et mes cousins étaient là…c’était étrange.
La joie de les voir mêlée à l’ombre de ce qu’il se passait.
On nous a indiqué le chemin, la porte s’est ouverte.

Elle était là, toute mince et toute fragile sous son respirateur qui semblait beaucoup trop grand pour elle.

Et pourtant, elle semblait heureuse. Elle souriait, a fait quelques blagues…puis on a décidé d’aller chercher la chienne de ma tante. On s’est faufilés, on avait réussi à la faire passer en douce mais je soupçonne fortement l’infirmière de nous avoir filé un petit coup de main après son clin d’oeil.

Je pense qu’on a tous essayé de ne pas pleurer, de ne pas craquer, de sourire avec elle. J’ai pris sa main, je lui ai dit que j’étais fière d’elle…elle a sourit
, non c’était elle qui était fière de moi.

On a papoté et est arrivé le moment où il a fallu partir, ne pas trop la fatiguer, c’était l’heure de la fin des visites il me semble. J’ai été la dernière a partir…je lui ai dit un truc complètement
absurde vu les circonstances mais c’est la seule chose qui est sortie.

« A demain Maman, on revient te voir, ne fais pas trop de folies de ton corps »

Au moment de refermer la porte, je l’ai entendue dire « Ne t’inquiète pas pour ça, je suis prête »

Je savais à ce moment là que c’était la dernière fois que je la voyais. Elle semblait en paix…pourtant une partie de moi ne le voulait pas.

A 8h20 le lendemain, le téléphone a sonné…ma marraine a décroché. C’était fini…elle avait terminé son yoghourt et elle était partie. L’infirmière m’a dit peu après qu’elle s’est endormie avec un sourire… mais ça ne m’a pas réconfortée. Elle nous avait attendus, la dernière réunion alors qu’elle était vraiment au bout…

Etre confrontée à la mort « verbalement » parlant c’est une chose, y’être confrontée « visuellement » c’en est une toute autre. C’est un choc qui va bien au-delà que ce que l’on peut imaginer.

La veille,elle était là, aujourd’hui, je suis dans une chambre froide a lui caresser son visage, lui dire qu’elle est belle, la prendre dans mes bras mais ça ne fonctionne pas…ça ne fonctionne plus…tout est froid…a l’extérieur, à l’intérieur.

La vision se trouble, les oreilles bourdonnent, le coeur s’emballe, l’estomac fait mal. On ne sait plus où on est, on ne sait plus si c’est vraiment entrain d’arriver, on ne sait plus rien.
Le temps s’arrête, on est coincé dans une bulle inconfortable…



 Des sons veulent s’échapper, des hurlements, pourtant rien ne sort.

Tout s’enchaîne très vite, il faut faire les papiers, prévenir les gens, organiser les funérailles. Se retrouver devant une boîte en chêne, entendre vaguement un maître de cérémonie nous dire que c’est le moment, sentir son bras nous diriger ma marraine et moi vers un petit écran…Et regarder cette boîte partir dans les flammes.

Repartir dans la voiture…en serrant très fort ce petit carton qui la contient désormais…poser sa tête dessus, pleurer sans faire de bruit.

Nous sommes restées quelques temps en bourgogne, a boire, a manger, a se noyer pour oublier, atténuer, faire comme si…

Se lever tous les matins complètement anesthésiée tellement la douleur gronde. Faire inlassablement les mêmes cauchemards, repense à ce corps mort…c’est cru, mais c’est ce qu’il se passe…pendant des mois, cette image nous hante…et elle me hante encore parfois aujourd’hui.

Je n’ai pas beaucoup pleuré…j’ai tout enfoui jusqu’à ce que l’effet boomerang surgisse.

il y’a plusieurs étapes…

Le choc - le déni - la colère - la dépression - l’acceptation

Mais aucun n’est comparable avec celui d’un autre… Je l’ai plutôt vécu comme ça : le déni total, le choc, de nouveau le déni, la dépression, la colère, la dépression moins forte mais encore là…et je ne l’ai pas encore totalement accepté.

Tout ce que je sais c’est que le deuil est une putain de traversée du désert…où le monde vol en éclat, où tous vos repères explosent avec et personne, ne peut rien faire malheureusement…si ce n’est être là et faire preuve de patience.

Mais peut-être est-ce pour moi le temps de clore cet article et de la laisser partir…


"On marche dans la nuit et on ne te trouve pas, faut dire qu'on les confond toutes ces nuits, noires, épaisses comme du tissu, pas beaucoup d'étoiles, tout se ressemble.
Il y a bien les souvenirs, mais quelqu'un les a électrifiés et connectés à nos cils, dès qu'on y pense on a les yeux qui brulent.
Maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi." Mathias Malzieu



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